• Avec le concours et l’engagement des Fondations Edmond de Rothschild
  • Deux dialogues de Platon
    philosophe divin et surnaturel

    À savoir :
    L’un intitulé Axiochus qui parle des malheurs de la vie humaine et de l’immortalité de l’âme, et par conséquent du mépris de la mort,
    et l’autre intitulé Hipparque, qui traite de la convoitise chez l’homme

    Le tout nouvellement traduit en langue française,
    par Étienne Dolet, natif d’Orléans

    À ceux de son pays

    Assez vécu dans les ténèbres :
    Il faut comprendre
    Les bons auteurs, les plus célèbres
    Qui soient en tout art et toute matière.
    Pour cela (et j’ai confiance
    Que vous apprécierez mon travail),
    Tous les auteurs que je choisis pour les faire
    Lire en français sont les meilleurs.
    Vous vous en rendrez compte aisément,
    Quand vous verrez Platon, que je vous propose ;
    Si vous le comprenez comme il convient,
    Y a-t-il texte plus divin ?

    Dolet au roi très chrétien

    Alors que je revenais récemment du Piémont avec les vieilles troupes, pour qu’elles me conduisent au camp que vous dressez en Champagne, roi très chrétien, au nom de l’affection et de l’amour paternel qui m’anime, je pus, passant près de Lyon, écarter de mon esprit tous risques et tout danger pour aller voir mon jeune fils et rendre visite à ma famille. Je restai là quatre ou cinq jours – au grand plaisir de mon esprit – et je ne manquai pas de déployer mes trésors et veiller à ce qu’il n’y ait rien de gâté ou de perdu. Quand je dis trésors, je ne parle pas d’or, d’argent, de pierreries ou de ce genre de choses fragiles et qui durent peu ; je pense aux fruits des efforts déployés par mon esprit tant en latin que dans votre langue française, et qui sont des trésors de bien plus grande importance que les richesses de ce bas-monde. Voilà pourquoi j’ai pour eux une estime toute particulière. Ce sont en effet ces trésors qui me feront vivre après ma mort et qui témoigneront de ce que je n’ai pas vécu oisivement et sans me rendre utile. En remettant la main sur ces trésors, j’ai trouvé par hasard deux dialogues de Platon que j’avais traduits et mis au propre ; et comme j’avais finalement décidé de publier certains textes de ma main sur les raisons de mon second emprisonnement, il m’a semblé bon d’y ajouter ces dialogues vu que l’un des deux est assez en rapport avec le sujet (il traite des misères de la vie humaine) ; avec l’autre, vous aurez la preuve que j’ai commencé et déjà bien avancé la traduction des œuvres complètes de Platon.

    1544.

    Deux dialogues de Platon
    philosophe divin & svpernatvrel

    sçavoir est :
    L’ung intitulé A
    xiochus, qui est des miseres de la vie humaine et de l’immortalité de l’Ame. Et par consequence du mespris de la mort.
    item :
    Vng aultre intitulé H
    ipparchus. Qui est de la conuoytise de l’Homme touchant la Lucratifue.

    le tout nouuellement traduict en langue françoyse,

    par Estienne Dolet natif d’Orleans

    Estienne Dolet
    A ceulx de sa nation

    C’est assés vescu en tenebres :
    Acquérir fault l’intelligence
    Des bons Autheurs les plus celebres
    Qui soient en tout art, & science.
    Pour cela (ayant confiance
    Que prendrez mon labeur en gré)
    Tout Autheurs du plus hault degré
    Ie choysis, pour Françoys les rendre :
    Ce que pouuez assés entendre,
    Voyant Platon, que vous propose :
    Car si bien le voulez comprendre,
    Y a il plus divine chose ?

    Dolet au Roy Treschretien

    Retournant dernierement du Piedmont avec les bendes vieilles, pour auec ycelles me conduire au camp que vous dressez en Champaigne (Roy treschrestien) l’affection, & amour paternelle ne permist que, passant pres de Lyon, ie ne misse tout hazard, & danger en oubly, pour aller veoir mon petit filz & visiter ma famille. Estant là quattre ou cinq iours (pour le contentement de mon esprit) ce ne fut sans desploier mes thresors : & prendre garde s’il y auoit rien de gasté ou perdu. Mes thresors sont non or ou argent, pierreries & telles choses caducques, & de peu de durée : mais les efforts de mon esprit tant en Latin qu’en vostre langue Françoyse, thresors de trop plus grand’ consequence que les richesses terriennes. Et pour ceste cause ie les ay en singuliere recommendation. Car ce sont ceulx qui me feront viure apres ma mort : & qui donneront tesmoignage, que ie n’a y vescu en ce Monde comme personne ocieuse & inutile. Reuoyant doncq mes dicts thresors, ie trouuay de fortune deux Dialogues de Platon, par moy aultresfois traduicts, & mys au net ou pour ce que i’avois resolu, & conclud en moy, de mettre en lumiere certaines compositions par moy faictes sur la iustification de mon second emprisonnement, il m’a semblé bon d’y adiouster les-dicts Dialogues, veu que la matiere de l’vng n’y conuient pas mal (c’est asçauoir des miseres de la vie humaine), & l’aultre est, pour vous signifier, que i’ay commencé, & suys ia bien auant en la traduction de toutes les Œuures de Platon. De sorte que soit en vostre Royaulme, ou ailleurs (puisque sans cause on me deschasse de France) ie vous puis promettre qu’auec l’ayde de Dieu ie vous rendray dedans vng an reuolu tout Platon traduict en vostre langue. Bien est vray, que si ie n’aymois uniquement le bien, & honneur de ma Patrie, ie ne me mettrois en telz, & si excessifs labeurs. Mais encore qu’elle soit ingrate en mon endroict (ie la dy ingrate, veu que les administrateurs d’ycelle taschent de me fascher, & m’en deiecter sans aulcun forfaict) ie ne laisseray pour cela de l’enrichir, & illustrer en tout ce, qu’il me sera possible. Il est en vous, Syre, de mettre fin en ces miennes fascheries : & par vostre doulceur & clemence me donner cueur encores plus grand de poursuyure, & mettre en effect mes bonnes entreprinses, quant au faict des lettres, tant Latines que Françoyses. Et de ce faire ie vous requiers, & supplie tres-humblement.

    1544.