• Avec le concours et l’engagement des Fondations Edmond de Rothschild
  • À la reine de Navarre,
    la seule Minerve de France

    Le réconfort que nos ancêtres de l’ancien temps
    Trouvaient jadis dans les gouffres de l’enfer,
    C’était que le jour où le Messie viendrait
    En ces lieux, tous les biens seraient à eux
    Et que bientôt ils ne souffriraient plus :
    De même tout mon espoir,
    Dans ce qui m’arrive,
    Est que mon réconfort serait évident
    (Mon réconfort ?), en tout cas que je serais entièrement délivré
    De mon malheur, si tu venais en FRANCE.
    Or tu y es, tu accompagnes ce grand ROI,
    (Ton frère) en un noble et bel attelage,
    Non sans enchanter, non sans ravir
    Tous les esprits, tout homme de bien ;
    Car je suis certain que les âmes bien nées
    Languissaient fort de te savoir éloignée
    De ce royaume où tu es si appréciée.
    Mais j’en reviens à mon propos.
    Tout mon espoir repose en toi,
    Après celui qui règne sur les hauts cieux ;
    C’est toi qui peux me redonner ma liberté ;
    Sans toi je ne peux la recouvrer ;
    C’est toi, vraiment, qui toujours t’es efforcée
    Que nul ne soit maltraité à tort.
    Ne pourrais-je donc pas bénéficier de ta bonté ?
    Ne pourrais-je pas jouir de ta faveur ?
    Je ne le crois pas, et cela n’arrivera pas,
    Car je suis certain qu’il ne tiendra qu’à toi
    Que la liberté me soit rendue au plus vite,
    Moi qui l’ai perdue sans avoir commis ni crime ni forfait.
    Oui, grâce à cette bonté qui est la tienne,
    Il te plaira de supplier le ROI
    De me remettre en ma condition première,
    Et de me soulager de la peine où je suis.
    Il le fera, si tu le lui demandes sans détour,
    Comme pour une cause pour laquelle
    [ton cœur s’engage tout entier :
    Est-il rien de grand, est-il rien d’exceptionnel
    Qu’il ne t’accorde,
    Si tu le désires et le lui demandes,
    Avec autant de joie que tu l’en supplies avec grâce ?

    A la royne de Navarre,
    la sevle Minerve de France

    Le reconfort, que noz peres antiques
    Auoient iadis aux gouffres Plutoniques,
    C’estoit, que quand le Messias viendroit
    En ces bas lieux, tout bien leur aduiendroit,
    Et que bien tost sortiroient de souffrance.
    Pareillement ma totale esperance
    A esté telle en ce mien accident,
    Que reconfort i’auroys tout euident
    (Quoy reconfort ?) mais pleine deliurance
    De mon malheur, si tu venois en France.
    Or y es tu auecques ce grand Roy
    (Le Roy ton frère) en beau, & noble arroy :
    Non sans grand’ioye, & grand contentement
    De tout esprit, & bon entendement :
    Car ie suis seur, que toute ame bien née
    Languissoit fort, te voyant esloignée
    De ce Royaulme, ou tant bien tu conviens.
    Mais au propos de mon faict ie reuiens :
    C’est toy, en qui mon espoir total gist,
    Apres celluy, qui les hault Cieulx regist :
    C’est toy, par qui liberté puis auoir :
    C’est toy, sans qui ne la puis recepuoir :
    C’est toy pour vray, qui tousiours as tasché,
    Que nul ne fust contre le droict fasché.
    Seray-ie doncq’ de ta bonté forclus ?
    Seray-ie seul de ta faueur exclus ?
    Pas ne le croy, & pas il n’aduiendra :
    Car certain suis, qu’à toy il ne tiendra,
    Que liberté ne me soit tost rendue,
    Veu, que sans crime, & forfaict l’ay perdue.
    Doncques suiuant ta bonté singuliere,
    Il te plaira au Roy faire priere,
    Qu’en mon estat premier il me remette,
    Et de la peine, où ie suis il me iette.
    Ce qu’il faira, si vng coup l’en requiers,
    Comme d’vng cas, que tout ton cueur quiers,
    Car est il rien, tant soit grand, ou exquis,
    Que si le veulx, & qu’il en soit requis,
    Il ne t’accorde aussi ioyeusement,
    Que l’en prieras affectueusement ?
    Fin.