Bon cœur, bon cœur, cette fois-ci,
Malchance a tout fait
Pour me causer du tort, beaucoup de tort ;
Mais je suis toujours le plus fort,
Et bien qu’elle s’efforce autant qu’elle peut
De ruiner le peu de bien
Que j’avais acquis honnêtement,
Il me reste encore l’esprit.
Et avec lui on ne peut rien m’enlever
Que je ne retrouve en peu de temps.
Il suffit que l’esprit soit sûr de lui
Et qu’il ne perde rien de sa force :
Il vaincra, c’est là une chose sûre,
Le monstre armé jusqu’aux dents.
Oh ! Comme Vertu est puissante !
Oh ! Comme Malchance est faible !
Oh ! Comme Vertu la blesse
Quand elle prend le mors aux dents !
Vertu n’est jamais inutile :
Ses effets sont éclatants.
Ne déplorez donc point ce qui m’arrive,
Mes amis : je le supporte avec douceur,
Et je me ris de ces petits malheurs ;
Car Vertu me réconforte toujours,
Et j’espère faire en sorte
Que Malchance qui s’agrippe à moi
En sera la première contrariée
Et que du bien me viendra du mal que j’endure.
Je le clame haut et fort :
Je suis certain que cela arrivera.
Fin de l’Enfer
Bon cueur, bon cueur : c’est à ce coup,
Que Fortune a faict son effort,
Pour me dresser du mal beaulcoup :
Mais tousiours ie suis le plus fort,
Car combien qu’elle tasche fort
De ruiner ce peu de bien,
Que i’auois quis par bon moyen :
Toutesfois l’esprit me demeure.
Parquoy oster ne me peult rien,
Que ne recouure en bien peu d’heure.
C’est asses, que l’esprit s’asseure,
Et qu’il ne perd point sa constance :
Victeur sera (c’est chose seure)
Du monstre aspre à toute oultrance.
O que Vertu a de puissance !
O que Fortune est imbecille !
O comme Vertu la mutille,
Quand elle prend le frein aux dents !
Vertu n’est iamais inutille :
Les effects en sont euidents.
Ne plaignez doncq’ mes accidents,
Amys : doulcement ie les porte,
Et me ry de ces incidents :
Car Vertu tousiours me conforte.
Tant, que i’espere faire en sorte,
Que Fortune à moy attachée,
La premiere en sera faschée :
Et que du mal, bien me viendra.
Ce ne sera chose cachée :
Ie suys certain, qu’il aduiendra.
Fin de l’Enfer.