• Avec le concours et l’engagement des Fondations Edmond de Rothschild
  • Chronologie

    En quatre ans, 90 ouvrages environ sortent des presses de Dolet. Il s’agit de textes classiques en latin ou en français (dont Cicéron, Sophocle, Ésope), de la littérature de son époque (dont Castiglione, Marot, Rabelais), de manuels scolaires, de traités de médecine anciens traduits (dont Hippocrate et Galien), d’ouvrages d’histoire et de droit, et d’ouvrages d’inspiration religieuse, le plus souvent teintés d’évangélisme (Érasme et autres traductions de Lefèvre d’Étaples ou de Berquin).
    Étienne Dolet est lui-même auteur d’une quinzaine d’ouvrages, philologiques pour l’essentiel, mais également de traductions, textes critiques, poèmes, préfaces et lettres. Les plus connus sont, en dehors du Second Enfer, son Commentarium linguae latinae, sa Manière de bien traduire et ses traductions de Cicéron.
    Dolet a édité plusieurs de ses livres à l’enseigne de la Doloire, sa marque d’imprimeur. De certains de ses textes, nous n’avons plus aucune trace. Parmi eux, figurent des travaux de philologie (la traduction intégrale des œuvres de Platon notamment), Le Premier Enfer (qu’il évoque au tout début du Second Enfer) et, enfin, la totalité de ses manuscrits rédigés en prison entre 1544 et 1546.
    Un grand nombre d’ouvrages écrits, possédés ou édités par Dolet ont été la cible d’autodafés. Ses éditions originales sont aujourd’hui extrêmement rares. Pour certaines d’entre elles, on ne connaît plus aucun exemplaire.

    1509 / 3 août

    Naissance d’Étienne Dolet à Orléans.

    1515

    Mort de Louis XII, François Ier devient roi. Victoire de Marignan.
    Dolet poursuit ses études de lettres latines à Paris.

    1521

    Début des guerres contre Charles Quint. Luther, excommunié, jette les bases d’une Église nouvelle.

    1523

    Premiers bûchers en France, pour hérésie luthérienne. L’ermite, Jean Vallier, est brûlé vif, à Paris, au marché aux Pourceaux, après avoir eu la langue coupée. Des livres de Luther sont brûlés sur le parvis de Notre-Dame.

    1525

    Défaite de Pavie et captivité de François Ier.

    1526-1528

    Dolet étudie à l’université de Padoue pendant trois ans.
    Un étudiant en droit est étranglé puis brûlé à Paris, place Maubert. Le traducteur de Luther, Jacques Pavan, est brûlé vif cette même année.

    1529

    Après avoir approfondi sa connaissance de Cicéron, Dolet rentre en France. Il a fait auparavant un séjour de quelques mois à Venise comme secrétaire de l’évêque et ambassadeur, Jean de Langeac.
    « Paix des Dames », ou fin provisoire des guerres entre François Ier et Charles Quint. L’humaniste, Louis de Berquin, est étranglé puis brûlé avec ses livres à Paris, place de Grève.

    1530

    Création du Collège royal, futur Collège de France.

    1532 / Début d’année

    Dolet rejoint l’université de Toulouse où il étudie le droit. Il y rencontre le cercle des humanistes de la ville, notamment Jean de Boyssoné, juriste, humaniste, lui-même accusé d’hérésie avant d’abjurer.

    Automne
    À Toulouse, Dolet prononce de violents discours contre la barbarie et les superstitions religieuses qui développent l’idée d’humanisme comme force civilisatrice.
    « Le tout pour te recréer et pour manifester de plus en plu l’eloquence de nostre langue, affin qu’on congnoisse que le Françoys n’est plus barbare en parler ny plus lourd en inventions d’esprit que toute aultre nation. »

    1533 / 25 mars

    Court emprisonnement au château Narbonnais de Toulouse à la suite de ces discours. Dolet est élargi grâce à ses amis : Jean de Pins, évêque de Rieux, ami des humanistes, un des membres épiscopaux du Parlement, Jean de Boyssoné, et Jacques de Minut, premier président du Parlement de Toulouse. Banni de la ville.

    Été
    Dolet s’installe à Lyon, malade et épuisé par les fièvres. Peut-être soigné par Rabelais à l’Hôpital général.

    1534

    Affaire dite des « Placards » (affichages contre la messe papale et le clergé dans tout le royaume, ce jusqu’aux portes d’Amboise). En réaction, François Ier confesse sa foi catholique et ordonne des persécutions.

    Avril
    Début de la correspondance avec Guillaume Budé.

    Octobre
    Dolet se rend à Paris. Précédé par sa réputation d’excellent latiniste, il travaille chez l’éditeur, imprimeur et savant Sébastien Gryphe, comme lecteur et correcteur. Gryphe publiera ses premières œuvres. Fréquentation de Marot et Rabelais.

    Décembre
    Dolet se rend à Paris.
    L’imprimeur Antoine Augereau est brûlé vif, Place Maubert, avec ses livres.

    1535

    Jean Calvin expose sa doctrine. Lettres patentes du roi interdisant l’imprimerie sous peine de mort.

    1536 / Décembre

    Dolet assassine le peintre Compaing dans des circonstances peu claires. Il prend la fuite et gagne Paris pour solliciter la grâce du roi. Là, il plaide la légitime défense, le roi pouvant accorder sa grâce aux « homicidaires, qui auroyent esté contraincts faire des homicides pour le salut et defense de leurs personnes ».

    Avril
    Marguerite de Navarre, sœur du roi, Budé, Rabelais, Marot et d’autres amis humanistes le soutiennent. À son retour à Lyon, les autorités l’emprisonnent pendant quelques semaines, en dépit de la clémence royale.

    1537 / 28 décembre

    Ordonnance de François Ier instituant le dépôt légal.
    Procès à la suite du meurtre de Compaing.

    Février
    Lettres de rémission de François Ier.

    1538 / Début d’année

    Dolet épouse Louise Giraud.

    6 mars
    Dolet rencontre le roi à Moulins, par l’intermédiaire du cardinal de Tournon, alors l’un des puissants ministres du roi. Il lui présente son Commentarium linguae latinæ et reçoit un privilège de dix ans pour l’impression des œuvres des auteurs « modernes et antiques ». La durée de ce privilège est exceptionnellement longue. Dolet utilisera souvent ce privilège auprès de ses confrères lyonnais avec ostentation, se mettant à dos la plupart d’entre eux. C’est à cette époque également que Dolet choisit d’illustrer, lui aussi, la langue française, projetant d’écrire neuf traités. Trois seulement verront le jour.
    « Depuis six ans (ô peuple Françoys) desrobbant quelcques heures de mon estude principalle (qui est en la lecture de la langue Latine et Grecque), te voulant aussi illustrer par touts moyens, j’ay composé en nostre langage ung Œuvre intitulé l’Orateur Françoys, duquel Œuvre les traictés sont telz : la grammaire, l’orthographe, les accents. » « […] mon affection est telle envers l’honneur de mon pais que je veulx trouver tout moyen de l’illustrer. Et ne le puis myeulx faire que de celebrer sa langue, comme ont faict Grecs et Romains la leur ».

    1539 / Début d’année

    Naissance de son fils Claude.

    Août
    L’ordonnance de Villers-Cotterêts impose le « françoys » à la place des langues régionales, mais surtout du latin, dans les actes juridiques et administratifs.

    1540

    Fondation de l’imprimerie, à l’enseigne de la Doloire, rue Mercière, à Lyon. Helloin Dulin, ancien receveur au Parlement de Rouen, proche de Guillaume du Bellay, très intéressé par les questions d’édition, sensible aux idées de la Réforme et aisé, permet l’achat des presses et du matériel typographique.

    1541

    Grèves des compagnons imprimeurs, particulièrement importantes à Lyon.

    1542

    Création du Saint-Office à Rome, destiné à réorganiser et à reprendre en main l’Inquisition dans l’ensemble des pays restés catholiques.
    Dolet utilise largement son privilège pour multiplier les publications d’inspiration religieuse à caractère évangélique. La moitié environ de sa production imprimée repose alors sur des ouvrages susceptibles d’attirer la colère des théologiens.

    Fin juillet-début août
    Suspecté d’hérésie, Dolet est arrêté ; sa maison et son atelier sont pillés, les livres qui s’y trouvent, confisqués. Il est incarcéré à Lyon, dans les cachots des prisons de l’hôtel de la Roanne. C’est le premier procès en inquisition. Dolet est jugé par le tribunal inquisitorial en la personne de Mathieu Ory qui le déclare « impye, scandaleux, scismaticque, hereticque, faulteur et deffenseur des hereticques et erreurs, pernicieux à la chose publicque ».
    Sa production imprimée se poursuit depuis la prison, grâce à la triple complicité, de ses gardiens, de son épouse et de ses amis. Il s’agit de réimpressions ou d’éditions nouvelles, parfois accompagnées de préfaces écrites par le prisonnier.

    1543 / Février ou mars

    Transféré à la prison de la Conciergerie, Dolet doit y attendre la décision de la Cour souveraine. Il fait appel en raison de la lenteur de la procédure, au cours d’un deuxième procès.

    Février
    Autodafé des livres condamnés lors du procès de 1542.

    1er mai
    Un accord réglemente les conditions de travail des compagnons imprimeurs après des mois de grèves et d’affrontements.

    Juin
    À nouveau soutenu par ses amis, Dolet bénéficie de lettres de rémission du roi. Il est remis de ses fautes mais doit les abjurer. Ses livres, écrits et imprimés doivent être détruits.
    « Francoys, par la grace de Dieu roy de France, scavoir faisons à tous presens et à venir. Nous avons receu l’humble suplication de Estienne Dolet, imprimeur et libraire de nostre ville de Lyon […] l’avons remis et restitué, remectons et restituons par ces presentes […] pourveu que icelluy Dolet abjurera toutes lesd. erreurs pardevant l’official de Paris ou son vicegerend ; et seront au surplus les livres mentionnez par sond. procès bruslez et mis en cendres ».

    Ier août
    Lettres d’ampliation du roi : « Francoys, par la grace de Dieu Roy de France, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans nostre court de parlement à Paris, salut et dilection. Receu avons l’humble suplication de Estienne Dolet, libraire et marchant de Lyon, à present prisonnier en la consiergerye de nostre palais, conten[ant] que, pour raison de ce qu’il a esté trouvé saisi en sa maison de certains livres prohibez, il a obtenu de nous lettres de remission et pardon […]. Parquoy nous, ces choses considérées, vous mandons et commandons par ces presentes que […] vous aud. cas proceddez à la veriffication et enterinement de nosd. secondes lettres de remission, sans vous arrester ni avoir esgard aud. erreur, car ainsi nous plaist estre faict […] ».

    21 septembre
    Ordre au Parlement de procéder à l’entérinement des lettres de rémission ;
    « Francoys, par la grace de Dieu roy de France, à noz amez et feaulx les gens tenans nostre court de Parlement à Paris, salut et dilection. Receu avons l’humble suplication de nostre bien amé Estienne Dolet, libraire et imprimeur de Lyon, à présent prisonnier en nostre consiergerye du pallais à Paris […]. Seullement voulons et entendons […] que vous aiez à proceder à l’enterinement desd. noz lettres de remission ».

    13 octobre
    Entérinement des lettres de rémission. Étienne Dolet est condamné à abjurer ses erreurs ; ses livres jugés hérétiques doivent être brûlés.
    « Veu par la court le procès inquisicionnal faict par frere Mathieu Oroy, docteur en theologye, de l’ordre des freres prescheurs, inquisiteur general de la foy au royaulme de France […]. Il sera dict que ladicte court a enteriné et enterine audict. Dolet sesd. Lettres de remission et ampliation, selon leur forme et teneur, aux charges contenues esd. lettres de remission. »

    Fin octobre
    Dolet gagne Lyon et reprend son travail d’éditeur.

    Début décembre
    Des balles de livres à son nom sont transportées de Lyon à Paris ; on les inspecte : elles contiennent en partie des « livres interdits », sans doute introduits par des ennemis de Dolet. « Et à l’entour, ou bien à chasque coing, Estoit escript, pour le veoir de plus loing, DOLET, en lettre assez grosse & lysable. »
    Le Parlement est à nouveau saisi de l’affaire.

    1544 / 3 janvier

    Au cours de son transfert à la Conciergerie, Dolet échappe à ses gardiens, s’enfuit et se réfugie en Piémont pendant quelques mois pour échapper à la justice et préparer sa défense. C’est en Italie qu’il rédige ses plaidoyers en vers et les adresse au roi, ainsi qu’à diverses personnalités influentes. Les lettres resteront sans réponse. Imprimées, elles constitueront le noyau du Second Enfer.

    6 janvier
    Dolet est une nouvelle fois arrêté et conduit à la prison de la Roanne.

    14 février
    Autodafé sur le parvis de Notre-Dame des livres condamnés lors du procès en inquisition. « La Court a ordonné et ordonne les livres cy dessus intitulez et denommez estre bruslez au pervis de l’esglise Nostre Dame de Paris au son de la grosse cloche d’icelle esglise, et inhibitions et defenses estre faictes à son de trompe et cry public par ceste ville de Paris et autres de ce ressort à tous libraires et imprimeurs de imprimer ou faire imprimer et exposer en vente telz et semblables livres, et à toutes personnes, de quelque estat ou condition qu’ilz soient, d’en avoir ou garder en leur possession.
    Ains leur commande et enjoinct icelle court les apporter et mectre en justice, sur peine d’estre puniz comme hereticques et fauteurs d’iceulx, et autres peines à la discretion de lad. court. »

    Juillet
    Dolet choisit de rentrer en France pour revoir les siens et régler l’édition du Second Enfer. Il décide ensuite de se rendre en Champagne (où François Ier se prépare à repousser Charles Quint), dans l’espoir d’y rencontrer le roi pour plaider sa cause.

    30 ou 31 août
    Sans doute poursuivi depuis Lyon, Dolet est reconnu à Troyes et arrêté.
    « A Nosseigneurs de Parlement Supplie humblement Jacques des Vaulx, messager ordinaire de Lyon, comme dès le sepme jour de janvier M. Vc XLIII dernier passé, en vertu de la commission emanée de la court, ledit suppliant ayt esté chargé par le lieutenant general de la seneschaucée dud. Lyon de amener prisonnier des prisons ordinaires dud. Lion en la conciergerie du palais ung nommé Estienne Dolet, imprimeur dud. Lyon ; lequel dès le VIIIe desd. mois et an seroit evadé des mains et puyssance dud. suppliant […] l’auroit finablement faict constituer prisonnier ès prisons de Troyes en Champaigne […] et rendu prisonnier en lad. conciergerie ».

    12 septembre
    Dolet est enfermé à la Conciergerie. C’est le troisième et dernier procès inquisitorial. Sa détention, exceptionnellement longue, témoigne peut-être de l’embarras du Parlement devant un humaniste qui, à diverses reprises, bénéficiera de la protection royale.

    4 novembre
    Les théologiens réunis à la Sorbonne jugent hérétiques les trois mots rien du tout dans un des dialogues pseudo-platoniciens, l’Axiochus « après la mort, tu ne seras plus rien du tout », et estiment « qu’il y a grant difference entre ce que dict Plato et ce que dict le traducteur ».

    1545

    Massacre des vaudois, « huguenots du Lubéron », par les troupes de François Ier. Ouverture du Concile de Trente, début de la Contre-Réforme.

    1546 / 2 août

    Étienne Dolet est condamné à mort pour « blaphèmes et sédition et exposition de livres prohibez et dampnez et autres cas par luy faictz et commis» .

    3 août
    Torturé, puis pendu et brûlé place Maubert à Paris, avec l’ensemble de ses manuscrits rédigés en prison et ses livres.
    « Veu par la court le procès faict par ordonnance d’icelle à l’encontre de Estienne Dollet, prisonnier en la consiergerie du palais à Paris, acusé de blasphemes et sedition et exposition de livres prohibez et dampnez, et autres cas par luy faitz et commis depuis la remission, abolition et ampliation à luy donnez par le Roy […]. Il sera dict que lad. court a condemné et condemne led. Dollet prisonnier, pour reparation desd. cas, crimes et delictz à plain contenuz aud. procès contre luy faict, à estre mené et conduict par l’executeur de la haulte justice en ung tombereau depuis lesd. prisons de la conciergerie du palais jusques à la place Maubert, où sera dressée et plantée en lieu plus commode et convenable une potence, à l’entour de laquelle sera faict ung grant feu auquel, apres avoir esté subzlevé en lad. potence, son corps sera jecté et bruslé avec ses livres, et son corps mué et converty en cendres […]. Et neantm[oings] a ordonné et ordonne lad. court que, auparavant l’ex[ecu]tion de mort dud. Dollet, il sera mis en torture et question extraordinaire pour enseigner ses compaignons.
    Lizet de Montmirel
    Et neantmoings est retenu in mente curie que, où led. Dollet fera aulcun scandalle ou dira aulcun blapheme, la langue luy sera coupée et bruslé tout vif ».

    1553 / Octobre

    Michel Servet est brûlé à Genève.

    1562

    Début des guerres de religion.

    Chronologie établie d’après :
    Guillaume Colletet, Vie d’Étienne Dolet, éd. Michel Magnien, Librairie Droz, Genève, 1992.
    Copley Christie, Casimir Stryienski, Étienne Dolet, le martyr de la Renaissance, Paris, Librairie Fischbacher, Paris, 1886.
    Claude Longeon, Documents d’archives sur Étienne Dolet, Publications de l’université, Saint-Étienne, 1977.
    Claude Longeon, Étienne Dolet, Le Second Enfer, Librairie Droz, Genève, 1978.
    Claude Longeon, Étienne Dolet, Préfaces françaises, Librairie Droz, Genève, 1979.