À peine étais-je sorti
De prison, à peine le feu de joie que mes amis
Avaient dressé pour remercier Dieu
De m’avoir finalement remis
En liberté, par la bonté du roi, était éteint,
Que tout d’un coup de nouveaux ennuis
Sont venus m’assaillir. Une fois de plus j’ai été arrêté,
Sans avoir commis aucun forfait, sans avoir mal agi ;
Je ne sais pour quelle raison, si ce n’est que l’on m’accuse
(Mais faussement, par une ruse malveillante)
D’avoir envoyé à Paris quelque paquet
De livres mensongers et scandaleux.
Cela dit, rien ne prouvera
(Pour celui qui chercherait à savoir ce qui s’est réellement passé)
Que je suis à l’origine de ce forfait.
Et pourtant on m’a mis en prison pour cela,
En me jugeant coupable ; et cela m’a si fort
Indigné que je me suis évadé :
Grâce à DIEU je suis libre.
Qu’est-ce donc alors que je veux, maintenant ?
Que vous vouliez bien donner ma lettre au roi,
Et le prier qu’il me soulage de mes ennuis,
En me graciant –
Mon emprisonnement ne repose sur rien –,
Et que je ne sois plus contraint à l’exil :
Que je puisse revenir à Lyon,
Chez moi, et poursuivre
L’art des lettres, comme avant.
Car ce n’est que pour honorer la littérature
Que je souhaite rentrer, et pour
Que mon ardent et puissant désir
De passer ma vie en honorant
La France et sa langue
Par mes travaux se réalise sans tarder, alors
Qu’on me fait quitter le pays sans raison,
[sans que j’aie rien fait de mal ;
Car je n’ai point commis la faute
Dont on m’accuse et n’ai aucune intention de la commettre.
Prince très généreux, n’épargne donc pas,
Non, n’épargne pas ta faveur à mon égard
Et délivre-moi de ma peine et de mes tourments.
Si tu réponds à ma supplique sans faillir,
Je tâcherai que la postérité divine
Ne t’oublie pas
Et que ton nom demeure immortel.
Après DIEU, après ce grand roi de France,
C’est de toi que me viendra ma délivrance.
Ie n’estois pas à grand’peine sorty
Hors des prisons : pas n’estoit amorty
Le feu de ioye entre mes bons Amys,
De ce, que Diev à la fin m’auoit mys
En liberté par la bonté du Roy,
Que tout soubdain vng nouueau desarroy
Me vint troubler. De rechef ie fus prins
Sans nul forfaict, & sans auoir mesprins,
Ne sçay, pourquoy : sìnon que l’on m’accuse
(Mais faulsement, & par inique ruze)
Que dans Paris ay transmis quelcque balle
De Liures pleins d’erreur, & de scandale.
Quand tout est dict : point ne se trouuera
(Qui de ce faict le certain cherchera)
Que ce soit moy, duquel vient ce forfaict.
Et toutesfoys prisonnier i’en fus faict
Comme coulpable. Et de ce m’indignay
Si asprement, que le hault ie gaignay :
Tant que (Diev grace) hors de prison ie suis
Et qu’est ce doncq qu’orendroit ie poursuis ?
C’est, qu’il vous plaise au Roy bailler ma lettre,
Et le prier hors de peine me mettre,
Abolissant mon emprisonnement.
Faict sans raison, & trop legierement,
Si que ne sois contrainct me destourner :
Ains que ie puisse à Lyon retourner
En ma maison : & poulser en auant
L’art literal, aussi bien que deuant.
Car mon retour ne quiers à aultre fin,
Que pour l’honneur des lettres, & affin
Que le vouloir, que i’ay grand, & ardent
De consumer mon aage en estendant
L’honneur de France, & de sa langue aussi
Par mes labeurs, ne se retarde, ainsi
Me dechassant à grand tort &, sans cause :
Car quant à moy, ie n’ay point faict la chose,
Dont on me charge : & ne la vouldrois faire.
N’espargne doncq (Prince tresdebonnaire)
N’espargne point ta faueur enuers moy,
Pour me tirer hors de peine, & d’esmoy.
Si tu le fais, tousiours de plus en plus,
Ie tascheray, que tu ne sois forclus
Du Ioz divin de la Posterité,
Et que ton nom ayt immortalité.
Et apres Diev, & ce grand Roy de France,
De toy tiendray toute ma deliurance.
Fin.